par Cassandra Lowley le 22 Juil 2013, 18:44
La secrétaire salua Cassie d'une poignée de main, que cette dernière rendit simplement avant d'ensuite attendre, le temps que la hiérarchie ne soit prévenue. La développeuse en profita pour rapidement regarder l'heure sur son téléphone portable : 14h30 pile. C'était une ponctualité étonnante, elle avait été habituée à devoir attendre parfois plus d'une heure, dans certaines entreprises peu organisées. Une fois cela fait, elle observa rapidement la jeune femme qui venait de l'accueillir, d'un regard qui se voulait neutre. Plutôt jolie, milieu de vingtaine probablement, un style à la fois sobre et élégant, le même que Cassandra avait adopté pour cet entretien qui soulevait de nombreuses questions. Elle ne put s'empêcher de sourire légèrement alors qu'elle pensait au fait que finalement, venir avec des baskets crado et un T-shirt de skateuse aurait probablement été du plus mauvais effet...
La secrétaire signala alors que le rendez-vous était en salle 13. Ne se faisant pas prier, la candidate (en quelque sorte du moins) suivit alors Marie au travers des couloirs pour finalement jeter un œil à la salle dans laquelle elle passerait ce singulier entretien. C'était... à l'image du reste de l'entreprise, encore une fois. Simple, sobre, élégant. Il y avait quelques objets décoratifs comme des maquettes de publicités et autres... Mais ce que Cassie remarqua immédiatement, c'était le type de décoration. Des maquettes de publicités. Pas des figurines, des cartes à jouer rares, ou de space marine grandeur nature comme elle avait pu en voir chez les autres développeurs. La déduction -vraie ou fausse- qu'elle en fit était que le propriétaire de ce bureau n'était pas vraiment un joueur, mais plutôt quelqu'un tentant de "faire semblant" d'en être un pour s'intégrer dans la culture d'entreprise si particulière qu'est celle du développement de jeu vidéo.
Cela étant dit, la designer s'était renseignée sur la compagnie avant de venir, et elle savait qu'ils ne faisaient pas *que* du jeu vidéo. D'après ce qu'elle avait pu voir, le directeur était quelqu'un de pompeux et prétentieux, ce qui encore était une chose, mais surtout ils étaient à l'origine spécialistes des effets spéciaux. Pourquoi se lancer dans le jeu vidéo au juste ? C'était pour ainsi dire très rare, elle n'avait vu ce genre de changement, passer du cinéma au jeu, qu'avec Lucas Arts et Disney Interactive, dont le premier avait fermé et le deuxième était plus un "surveillant" qu'un vrai développeur. Elle avait évidemment entendu parler de ces trucs "révolutionnaires" que prétendait avoir découvert le boss de la compagnie Orgone... Un nouveau mode de gameplay ? Un nouveau périphérique ? Avec la concurrence du Kinect et de l'Oculus Rift, il faudrait être sacrément créatif pour découvrir quelque chose de nouveau...
Et c'était justement pour cela qu'elle était circonspecte. Des développeurs qui ont voulu refaire World of Warcraft, refaire Skyrim, refaire Angry Birds, refaire Call of Duty, il y en avait eu des milliers. Et pourquoi n'a-t-on jamais entendu parler de leurs jeux ? Parce qu'ils avaient tous échoué. Soit on est le premier à avoir une idée, soit on est particulièrement excellent pour raffiner et bonifier une idée, soit on s'abstient. Vu qu'Orgone n'avait à sa connaissance pas sorti de jeu, elle ignorait dans quelle catégorie se trouvait cette entreprise, et elle craignait donc qu'il ne s'agisse d'un PDG ayant fait une école de commerce, qui n'y connaît rien à rien, et qui va lui annoncer : "Ma chère mademoiselle Lowley, j'ai un projet... On va faire une sorte de réseau social, où les gens pourront s'ajouter en amis, communiquer, et partager des informations". Ouais, refaire Facebook quoi, super, bien joué. Même Google a essayé et ils se sont plantés.
Elle laissa en tout cas ces réflexions de côté pour le moment et s'installa, comme on lui proposait, jetant un œil rapide à l'écran. 24 pouces... Trop grand pour elle. Pour voir l'ensemble du HUD d'un jeu sur un écran de cette taille, il fallait en général reculer l'écran, et elle n'aimait pas trop.
Marie s'approcha alors d'elle, lui parlant alors avec un air de confidence, lui signalant qu'elle n'avait pas postulé chez Orgone... En temps normal, c'était censé être quelque chose de bénéfique, et non un détail auquel on devait se "préparer". Elle hocha en tout cas la tête, remerciant la secrétaire de cette précision, tout en affichant une mine assez intriguée. Quelle était cette entreprise au juste, et que lui voulait-on ? Quel était le projet qu'ils avaient ? Elle se préparerait en tout cas à cette question aussitôt qu'elle pourrait réfléchir un instant.
Finalement, quand la jeune femme lui proposa quelque chose, elle inclina de nouveau la tête en remerciement -une sorte d'habitude qu'elle avait- tout en répondant :
« Un thé dans ce cas, je vous remercie. »
Cass' observa les magazines un instant, l'air pensive. Elle aurait imaginé qu'avec l'égocentrisme manifeste du PDG de la boîte, les bureaux seraient remplis de posters de lui, ou au moins de magazines chantant ses louanges... Mais pourtant, rien de ce type. Diverses publications de qualités variables, sur des sujets assez variés. Maintenant, il y avait un choix à faire...
Saisir un magazine et lire tranquillement donnerait un effet "salle d'attente chez le docteur", pourrait montrer des difficultés d'attention que certains recruteurs n'aimeraient pas. En revanche, rester simplement là, observant la baie de Miami, pourrait montrer une certaine patience et détermination. Mais... Si le recruteur était quelqu'un qui appréciait les tempéraments volatils -il y en avait- alors il serait sûrement surpris qu'elle n'ait pas pris de quoi lire en attendant. Et inversement, si le recruteur avait apprécié les personnalités sérieuses, il n'aurait peut-être pas eu une bonne première impression en entrant pour voir Cassandra en train de lire "Closer" ou quelque chose du genre. Bon, Closer n'était pas dans le choix disponible, mais l'idée était là.
Être une femme dans le milieu du développement avait appris à la jeune designer à se méfier de beaucoup de choses, de toujours bien considérer tous les choix disponibles pour s'adapter à son interlocuteur... Mais ici, elle ne le connaissait pas : elle avait une chance sur deux. Tant pis. Elle choisit donc d'observer la baie de Miami, qui au fond n'était pas un spectacle vraiment désagréable, attendant l'arrivée du ou de la responsable RH qui s'occuperait d'elle...