Orgone

Je me retrouverai juste devant un immense immeuble dont la hauteur ne semblait pas se finir. De plus plusieurs fans m'avaient reconnu quand le taxi m'avait déposé à la rue indiquée sur le mail imprimé. Le service d'ordre de sécurité me fit un petit cercle et j'avançai lentement dans cette cohue humaine. Pendant mon avancée je me reconstituais la journée où tout commençait avec l'interview d'un propriétaire multimilliardaire d'une société de jeu vidéo. Il annonçait qu'il allait révolutionner l'industrie du jeu vidéo et avec lui le monde entrait dans une nouvelle ère. Je fus assez sceptique sur le coup, mais mon agent me conseilla de saisir cette chance pour commencer un nouveau départ. Je venais de finir mes études d'infirmier et actuellement j'avais une proposition récente de poste de consultant sportif auprès d'une chaine. La paie était excellente, mais je n’avais plus cette sensation d'appartenir à une équipe. Je décidais d'envoyer ma candidature auprès de cette société sur les conseils de mon agent et je n'attendais pas à un retour de ma demande. La sélection semblait stricte et il y avait très peu élus pour intégrer cette nouvelle aventure humaine.

Quelques heures plus tard, mon agent me ramena un mail qui mentionna une réponse positive. J'avais rendez-vous la semaine prochaine dans la matinée. La demande de la chaine sportive expirait dans une semaine et je prenais la décision de tenter ma chance auprès de cette société. Je repris mes esprits quand je fus à quelques centimètres du bâtiment. J'ouvrais porte et j'arrivais dans le hall de l'entrée. Je me retournais et je voyais que les fans étaient plus en plus nombreux à l'extérieur. Je commençai à diriger mon regard vers le comptoir et je voyais une brune avec des lunettes souriante. Je voulus lui rendre l'appareil mais j'entendis mon surnom raisonné dans le hall:

" Voilà, Kanzaki la Rocket, tu l'as reconnu aussi Marie !!. C'est incroyable il va se joindre à nous tu te trouves pas ? "

Une employée sortait d'un bureau avec une pile de dossier et elle se dirigeait en courant vers la secrétaire brune. Ce cri venait d'elle et j'en déduisais que cette femme devait être une de mes fans. Elle me dévisageait avec des grands yeux ouverts quand elle arrivait au comptoir. Je fis un signe de main vers la standardiste et je m'apprêtai à me diriger vers elles pour leur serrer la main à toutes les deux . Mais On entendit plusieurs portes s'ouvrirent avec de bruits pas pressants.Je vis plusieurs membres du personnel qui commencèrent à venir vers moi pour leur signer un autographe. La fan ne fit pas le déplacement quand elle vit l'attroupement. Je fus conduit de manière brutale par un agent de la sécurité qui commença à me diriger rapidement vers le couloir. Il s'arrêta et il se retourna vers la foule de mes fans employés. Il les menaçait qu'il allait avertir de leurs agissements auprès de M. Lebenton. Cela eut son effet sur le moment et tout le monde repartit dans son bureau. Je dus accélérer le pas et je me promis de m'excuser au retour auprès de Marie. je pus enfin arriver devant une porte avec les inscriptions suivantes Alex Castle-Glass juste en dessous Responsable Ressources Humaines en lettres d'imprimerie. L'agent de sécurité frappa et on m'invita à entrer. L'homme en costume ouvrit la porte de quelques centimètres et il fit un petit rapport succinct oral à la personne qui se trouva dans le bureau. Il prit la poignet et poussa la porte pour je puisse entrer.

L'agent de sécurité se retira et je vis une femme en costume avec des cheveux bruns longs. Je commençais par une présentation sommaire et j'attendais d'avoir la permission de m'asseoir:

« Bonjour, Mme Carles-Glass. Akira Kanzaki ! »

Quand M.Lebenton m'avait informé qu'un ancien joueur professionnel de baseball allait venir aujourd'hui, j'avouai ma surprise. Sur l'instant, je me demandais bien quel poste il comptait lui attribuer. Mais en y réfléchissant bien, il pouvait intégrer l'équipe des testeurs comme l'équipe des développeurs pour offrir le maximum de réalisme à nos jeux. Soudain de l'agitation provenait de l'open space. Duncan Curtis(1) ouvrit la porte et m'expliqua brièvement qu'Akira Kanzaki venait d'arriver. Je fus surprise par le remue-ménage occasionné. Française, je connaissais guère le base-ball. Tout juste savais-je que cela se jouait avec des gants et une batte. Ce sport n'avait pas grande notoriété sur l'ancien continent. L'évidence me criait que ce sport avait conquis le cœur des américains.

Le joueur entra. Il était bel homme, un peu jeune à mon goût, mais je comprenais pourquoi il comptait dans de femmes parmi ces fans. Son dossier s'axait sur des statistiques auxquelles je ne comprenais rien. Mais ces scores me semblaient élevés. Le seul chiffre que je compris fut sa rapidité aux cent mètres, elle devait expliquer son surnom, à moins que ce ne soit la vitesse de sa balle rapide. Mieux valait que j'évite tout commentaire de peur de commettre un impair.

-- Bonjour M.Kanzaki Akira, mon nom de famille est Castle-Glass. Mais je vous en prie, asseyez-vous !

Le calme gagnait de nouveau les bureaux, je n'aimais pas ce genre d'attitude et je ferais le point après l'entretien. Je remisais donc cette pensée parasite de mon esprit et accordait toute mon attention à M.Kanzaki. Grâce aux relations de M.Lebenton, j'avais été informée du contenu de l'enveloppe proposée par une chaîne sportive. Et je n'avais pas l'autorisation d'atteindre ce montant de salaire. Le dossier serait perdu face à un homme ne s'intéressant qu'au salaire. Mais ce même dossier m'indiquait que mon interlocuteur venait de finir des études d'infirmiers. Le salaire d'un infirmier, même brillant et en fin de carrière, ne pesait rien face à celui de cette chaîne. J'avais donc ma chance. M.Lebenton m'avait donc laissé des moyens réduits pour négocier en terme de salaire. Pour le reste, j'avais tout ce dont j'avais besoin.

J'entrai donc dans le vif du sujet en ne commençant pas par cet accord de confidentialité totale, puisque les documents avaient été remplis aux préalable. L'intégralité de nos échanges au sein de cet entretien seraient et resteraient confidentiels.

-- Notre société développe une nouvelle méthode pour immerger le joueur au sein du jeu. Nous allons sortir un ensemble de jeux très réalistes, mais nous ne voulons pas copier la vraie vie. Nous voudrions vous intégrer à notre équipe pour être partenaire dans le développement de nouveaux jeux de simulation sportives, mais « pas que ». Je pense que vous êtes également en mesure de nous apporter un œil critique et des propositions sur nos jeux. Vous pourriez également y participer et les tester. D'ailleurs à ce sujet, votre manager m'a prévenu que votre blessure n'était pas à prendre à la légère. M.Lebenton n'a pas eu le temps de lui répondre, mais il s'avère que nos jeux, aussi physiques et intenses puissent-ils être, ils n'auront aucune incidence sur votre blessure.

Je laissais un temps de pause dans mes paroles avant d'aborder le sujet de la proposition de la chaîne sportive.

-- Nous savons que vous avez reçu une proposition financièrement intéressante de la part d'une chaîne sportive. Nous ne souhaitons pas la concurrencer sur cet aspect financier. Mais nous sommes dans l'obligation de vous placer face à un choix entre les deux. En effet, vous remarquerez que le temps de travail demandé est important. Vous en aviez l'habitude lors de vos entraînements et de vos compétitions sportives, tout comme vous en aviez l'habitude lors de vos récentes études d'infirmiers. Mais nous présumons que les journées ne sont pas assez longues pour vous investir sur ces deux projets, notamment avec les évènements sportifs à venir. J'ai eu des échos de votre manager. Mais vous ? Que désirez-vous ? 

Akira fut un peu confus sur sa mauvaise prononciation du nom de famille de la responsable RH d'Orgone. Il assit sur le siège suite à l'invitation de la femme brune en tailleur et il écouta les propos d'Alexa sur la société. Puis il fut plus attentif quand elle aborda la proposition de poste notamment face à celle de la chaine sportive. L'ancien joueur professionnel essaya de résumer le discours de la brune dans sa tête. Il allait soutenir et participer dans la société sur les jeux vidéos de sport , mais il donnait aussi des conseils sur les autres types de jeux. Il s'apprêta à répondre aux deux questions de la femme brune.

« Madame Castle-Glass, je vous présente mes excuses pour votre nom de famille. Je cherche avant tout à retrouver la sensation d'appartenir à une équipe. Votre proposition me semble attractive et elle me permet de couvrir plusieurs secteurs du jeux vidéos. Avec mes études d'infirmiers je me vois plutôt comme un support médical pour les candidats et conseiller pour l'aspect sportif comme vous allez suggérer dans la proposition de poste. Quand à ma blessure, elle ne pose pas de problème en effet pour les efforts physiques non soutenus mais je souhaite me rapprocher d'un poste de préparateur physique pour les candidats. Dans votre société je me vois avec plusieurs casquettes celle de coach, consultant, préparateur physique et surtout membre médical pour tous les membres de cette grande équipe.Dite moi c'est possible d'avoir toutes ces casquettes chez vous? »

L'ancien joueur professionnel de baseball parlait avec le cœur quand il s'agissait définir de ses ambitions pour l'avenir. Akira montrait un tempérament d'une personne passionné, déterminé et il ne se voyait plus sur le terrain. L'asiatique avait raflé tous les trophées de manière un peu trop rapide. Akira savait que peu de membres présentaient autant de casquettes comme il demandait. Il visait toujours des choses qui semblaient impossibles pour le commun des mortels. Il attendit la réponse d'Alexa à sa question et surtout sa réaction face à ses propos fougueux.

Cette question là me surprenait, je ne l’avais pas anticipée. Pourtant, elle suivait un raisonnement parfaitement logique. Je me reprochais mon manque d’analyse et d’anticipation. Alors, je profitais de ses excuses pour jouer les politiciennes. Dans une autre vie, j’avais voulu être sénatrice au congrès américain. Mais à l’époque, la femme ne méritait pas une telle place. En tout cas, je savais gagner du temps avec quelques paroles pour préparer une réponse à cette troublante question.

-- Ne vous inquiétez pas, il n’y a pas de mal Monsieur Kanzaki. Vos excuses sont toutes acceptées, même si vous n’aviez pas réellement à les présenter.

J’avais gagné quelques précieuses secondes. J’avais trouvé là le temps de nourrir deux trois idées que je pourrais construire et améliorer tout en parlant. Il me fallait encore quelques secondes néanmoins. Je parlai donc de sa blessure, même si je ne voulais pas trop aborder ce sujet déplaisant.

-- En tout cas, je suis heureuse d’entendre que vous pourrez physiquement vous émanciper ici.

Voilà, je pouvais aborder le sujet. Je m’étais préparée. Je lissais mon tailleur involontairement, signe que j’abordais le point épineux de la discussion.

-- Voyez-vous, nous allons développer nombres de jeux. Je ne peux pas vous promettre d’avoir toutes les casquettes… simultanément

J’avais volontairement laisser une seconde s’égrainer entre le mot casquette et simultanément. Je voulais jouer sur le sentiment de déception avant de proposer une solution.

-- Mais je peux vous permettre d’en porter toutes les casquettes. La dernière exposée, par exemple ! Nos jeux sont réalistes, mais vous découvrirez qu’ils préviennent de toute blessure. Néanmoins, si nous permettons à un joueur de pratiquer de le base-ball dans un univers futuriste, il aura besoin d’un coach pour adopter un position saine. Déjà pour son bien-être, mais, cela peut paraître malsain, c’est aussi la santé juridique de la société qui compte. Imaginons qu’après notre jeu, il décide de s’inscrire dans une réelle équipe de base-ball et qu’il se blesse à cause d’une mauvaise position. Déjà, je serais désolée qu’il se blesse. Mais je serais également très embarassée s’il se retournait contre Orgone et portait plainte contre nous.

Je marquais de nouveau une pause. Je ne voulais pas me montrer comme la bienveillante femme qui protège à tout prix les joueurs. Cela ne serait pas crédible. Je ne souhaite pas de mal à nos joueurs, évidemment. Mais ça m’emmerderait énormément qu’il se retourne contre nous, juridiquement parlant.

-- Bref, toutes les casquettes le même jour, non. Mais toutes les casquettes, oui. Est-ce que dans ce cadre notre proposition est plus intéressante ?

J’en venais ensuite droit au but, évidemment.