Orgone

Un type à l'allure nonchalante passe la porte vitrée de l'agence. Sa chemise est blanche est à moitié sortie de son jeans et sa barbe n'avait pas été coupée depuis 3 jours à vue de nez.
L'oeil aussi vif qu'un boeuf asiatique, il mobilisa toute sa concentration pour faire comprendre à la fille de l'accueil qu'il venait pour un entretien d'embauche. On l'attendait au treizième étage, mauvais présage.
Thadéus le sentait mal ce coup là, forcément pour un magicien, il y a des présages qui ne trompent pas.

Prenant son courage à deux mains ainsi que l'ascenseur, il se rendit au point de rencontre. Pénétrant dans les locaux d'un blanc immaculé, il failli trébucher, mais son sens de l'équilibre ou peut-être simplement la chance lui permit de ne pas se rétamer douloureusement sur la moquette bleu de l'accueil.

Bref, il jeta un rapide coup d'oeil autour de lui, des chaises contre un mur et une standardiste qui le toisait. Mais pire encore, une horloge qui lui rappelait ses 45 minutes de retard. Bon, il n'y avait sans doute pas mort d'homme et de toute façon, il était trop tard pour renoncer. Il tenta un sourire séducteur vers la secrétaire, histoire qu'elle oublie qu'il était à moitié défroqué et que ses fringues sentaient encore le tabac et l'alcool de la veille.

- Bonjour, je suis Thadéus. J'ai rendez-vous avec ... Heu... J'ai rendez-vous.

Sacrée cuite quand même... Les trous de mémoire n'allaient pas en s'arrangeant... Comme pour s'excuser, il continua.

- Je suis un peu en retard. les bouchons. Vous savez ce que c'est !

Si la secrétaire faisait preuve d'un minimum d'observation, elle comprendrait peut-être que le magicien avait laissé sonner son réveil jusqu'à ce que dernier abandonne la partie. Au moins, il avait gagné contre quelqu'un aujourd'hui. Il n'était pas forcément lève-tard, non, son problème était ailleurs.

Thadéus avait du mal à gérer son stress, c'est d'ailleurs ce qui l'avait perdu, lui le jeune prodige de l'illusion. Une fois que le succès s'était emparé de lui, il devait se représenter devant plusieurs centaines de personnes, ce qui signa sa perte. Pour vaincre son tract, il prenait plusieurs gorgée de l'anxiolytique le plus bon marché qu'il soit; l'alcool. Et il devait augmenter les doses à chaque fois, jusqu'à parfois être trop saoul pour réussir ses tours.

Dans cette profession, le déclin arrive aussi vite que le succès et bientôt addict à la boisson, il perdit une grande partie de son patrimoine et toutes ses promesses d'embauche.
Il travaillait dans les cuisines d'un snack pour payer son loyer alors quand il reçu une lettre d'invitation d'Orgone, il n'eut pas beaucoup d'hésitation... Mis à part le stress de cet entretien.

Mais peut-être était-ce déjà trop tard, peut-être que son retard lui avait déjà fait perdre toutes ses chances. Il restait suspendu aux lèvres de la secrétaire...

- Heu, vous n'auriez pas de l'aspirine des fois ?

Hormis le fait d'avoir la bouche pâteuse, Thadéus avait l'impression d'avoir le sergent instructeur de Full Metal Jacket en train de lui vociférer toute son agressivité dans la tête. Il avait l'impression que cette dernière risquait d'exploser...

Les écouteurs sur les oreilles, je mords dans un énorme hotdog débordant d’une sauce chili que je viens d’acheter au petit revendeur typique américain. Je sais ce que vous vous dites, dès que l’on me croise, je bouffe. C’est mon métabolisme, je fais trop fonctionner ma tête de geek et du coup, je bouffe. On peut même pas dire que c’est un problème d’ordre sexuel, ou autre connerie, parce que c’est loin d’être le cas. J’aime bien manger je crois et j’ai un corps pas trop compliqué. Je fais du sport, croyez pas, j’ai une petite appli Iphone, qui simule une attaque zombie, ça vous fait courir, moi je kiffe. Je suis pas bien compliquée comme fille, on va dire.

Je dénote encore dans ma tenue. Boarf…c’est une habitude maintenant on va dire. Non pas que j’aime me taper l’affiche, mais je vais dire que les tenues classiques à la con, je ne suis pas fan. Je passe dans l’immeuble, l’air de rien, dans l’ascenseur, je me dandine en grignotant ma bouffe, on doit peut-être me prendre pour une illuminée ! Mais ce sont les tarées qui dominent le monde en vrai, vous croyez quoi ?

Enfin, je me la pète un peu, pour le fun, mais sinon…sinon, je suis normale comme fille. Si tant est que passé son temps devant son pc à faire des conneries sur le net en bidouillant un peu des systèmes pour s’infiltrer, c’est normal.

La boite métallique s’ouvre et je sors, le nez concentré sur mon téléphone, sans trop savoir où je suis, je sais que j’étais solo dans l’ascenseur, et que du coup, j’ai eu plus qu’à en sortir, mais je me suis gourrée, je crois. Je redresse le nez juste à temps pour me cogner contre un type et foutre dans son dos un peu de sauce chili, loin de baliser et de me mettre à gigoter en excuse dans tous les sens, je pouffe de rire et lâche un petit oups…

[Ha oui, elle est marrante cette appli de course aux zombies...]
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Un truc chaud dans mon dos, une bousculade, je me retourne. Une belle aux cheveux de feu, super sexy en train de sourire. Tout pour faire chavirer les coeurs bien qu'elle tienne quelque chose d étrange dans les mains qui ressemble à du... Un haut le coeur, un déglutissement. ha non, ça ne va pas recommencer ! Déjà trois fois cette nuit...

Mon nez me sauve, ça sent le chili, pas l'odeur la plus top quand vous avez passez votre nocturne au-dessus de la cuvette, mais ça va, ça passe...

Dans ma caboche, le sergent chef m'injurie comme si j'étais "baleine", ça tape dur et toujours la même promesse qui me revient en tête: plus jamais. Mais pour l'instant, j'ai d'autres choses à gérer, la na la plus jolie de la planète était planté là. Tout est embrouillé dans mon cerveau version purée mousseline, et moi comme si je l'avais cogner par inadvertance:

- Ha désolé, je l'ai pas fait exprès... Remarquez, je m'en veux pas trop sinon je vous aurez pas vu. Vous venez aussi pour l'entretien d'embauche ? Vous pourriez faire assistante magicienne, vous feriez un tabac. Une jolie fille comme vous, ça détourne l'attention des spectateurs avec talent...

Je viens de sentir mon haleine de dragon, mauvaise idée de parler. Y a des matins où tout va de travers... Au moins, l'alcool anesthésie tout, assez pour ne pas sentir le coulis de chili que j'ai dans le dos...

Ouh…lui, il a clairement pas passé sa nuit à dormir. Vu l’haleine, je dirais que y a de la picole derrière et je me contente pourtant de sourire en retenant mon rire, sans faire de réflexion. Je suis polie ! Enfin, je me retiens de rire, jusqu’à pouffer et racler ma gorge. Non pas de réflexion, le pauvre, il a pas l’air en forme. Je le mate, un peu, finissant par croquer dans ma bouffe et lui faire un clin d’œil.

-C’est le but, détourner l’attention mon vieux. Mais moi…la magie. Ca me rend triste. Parce que je veux savoir comment ça marche et quand je le découvre…bah, c’pas drole.

J’ai jamais aimé la magie. Parce que généralement, je m’enquiquine à chercher comment ça marche et je finis toujours par le découvrir. C’est presque triste parce que du coup, bah, y a plus de magie, plus rien. Donc pfioute.

-Mais moi je bosse déjà ici. Vous avez rendez-vous ? Prenez un tic tac, y a une jolie fille qui fait passer les entretiens, et je pense, sans méchanceté, que faudra pas être trop près.

Je me penche vers la secrétaire, m’appuyant sur le comptoir, assez pour me pencher par-dessus, me soulevant du sol et lui piquer un paquet de chewing gum à la menthe qu’elle a jamais très loin. Elle me fusille du regard et je lui tire la langue pour réponse.

-Hé ho mademoiselle sécheresse vaginale…on me fait pas ce regard.

Elle blémit. Et ouai cocote, tu m’as déjà fait chier une fois, j’ai vérifié ton ordi. Et toc. Maintenant, reste derrière ton comptoir et m’emmerdes pas !
Je me retourne vers le grand brun et lui file le paquet.

-Vous voulez peut-être un café ? Ou un truc pour la migraine ? Je sais pas… Je hausse les épaules. Je fais un grand sourire. Un café clope avec un petit cachet en supp…ça vous dit ?Ca m’excusera pour la tâche dans le dos !

Bah ouai quand même, je suis civilisée.